PONTE DEI DAI La conjuration menée par Bajamonte Tiepolo, en 1310, pour abattre le doge Pietro Gradenigo échoua. On raconte que fuyant à travers la calle dei Fabbri les conjurés s'enfuyaient poursuivis par les fidèles du doge qui criaient : " Dai ! Dai ". Certains prétendent au contraire que le pont des Dai devrait son nom à une boutique voisine qui fabriquaient et vendaient des dés (dadi) à jouer.

PONTE DELLA DONNA ONESTA Trois hypothèses sont à retenir quand à l'origine de ce nom. 1-Deux gentilshommes passant par là discutaient sur la fidélité des femmes. "Mais où donc peut-on encore trouver une femme honnête?". L'un d'eux observant la tête d'une femme sculptée sur le mur d'un immeuble voisin prétendit que c'était bien là la seule. 2-Cette dame honnête serait une des prostituées exerçant dans la quartier, honnête dans l'exercice de son métier, ne pratiquant pas des tarifs trop élevés. 3-Enfin l'on raconte que l'épouse d'un maître d'armes ayant boutique dans le quartier vit s'introduire chez elle un jeune soupirant, qui avait commandé à son mari une misericordia, nom donné à une espèce de dague avec laquelle, miséricordieusement, on donnait le coup .de grâce à l'adversaire pour abréger son agonie. La trouvant seule, il en abusa. Ne pouvant survivre à la perte de son honneur, elle se tua avec la dague.

PONTE DELLE EREMITE O ROMITE Eremite, c'est-à-dire cloîtrées, désignaient les religieuses de l'ordre de Saint Augustin qui fondèrent en 1693 un couvent dans ce quartier de Venise. Ce nom fur donné non seulement au pont mais à une calle, une fondamenta, un rio et un sottoportego. Le couvent fut transformé plus tard en école pour filles.

PONTE DE LA FURATOLA Furatola était autrefois le nom d'une boutique, assez semblable à celle du charcutier où se vendaient potages, pains, fritures de poisson et autres comestibles de peu de prix, essentiellement destinées aux pauvres. Cependant il lui était interdit de faire concurrence au luganegher, le " vrai " charcutier, à qui était réservé le privilège de vendre des plats " plus nobles ", et surtout toute vente de vin lui était interdite, celle-ci étant réservé aux malvasie (voir ponte della malvasia). Plusieurs hypothèses sur l'origine du mot furatola. Selon l'une d'elles, le mot viendrait de "foro", trou parce que les boutiques étaient de simples pièces en longueur, des "trous" au rez de chaussée des maisons. Selon une autre, il serait à rapprocher de furare ou rubare, voler parce qu'on y commettait quelques larcins. On dit aussi que furatola pourrait dériver de furabula, lui même issu du latin furvus, signifiant obscur. Ces boutiques très étroites étaient généralement situées dans des lieux bas et sombres, souvent noircies par la fumée. Aujourd'hui encore, calle Lunga San Barbara, un restaurant célèbre de Venise est à cette enseigne : La Furatola.

PONTE DEI FERALI On fabriquait autrefois dans cette zone les ferali, dialecte vénitien pour fanali, lampadaires qui servaient à éclairer la cité. Avant le 18ème siècle, quand on commença à étendre l'éclairage, seules les quartiers de San Marco et du Rialto étaient éclairées la nuit. Tout le reste de la ville était plongée dans la plus profonde obscurité. Seules quelques torches lumineuses étaient placées par la piété populaire devant les images sacrées des petites chapelles (capitelli) disséminées ça et là. Pour des raisons de sécurité, les personnes les plus aisées se faisaient alors accompagner la nuit par des personnages pittoresques appelés codega (du grec odegos, guide) En 1795, on comptait 2000 fanali dans Venise.

PONTE DEI FUSERI On trouve deux versions possibles à l'origine de la dénomination de ce pont. Certains pensent que fuseri signifie fonditori, ouvriers qui travaillent dans les fonderies. Il y aurait donc eu au voisinage de ce pont une fonderie, avant que, pour prévenir les incendies, une loi oblige ce type d'installation à se reconstruire sur d'autres îles de la lagune. Ils fondent leur opinion sur le fait qu'en latin, fusor désigne le fonditore. D'autres font remarquer qu'il existait pour les fonderies, un vocabulaire particulier au dialecte vénitien : tirer du verbe butare, jeter, l'ouvrier qui travaillait à la fonderie était le butadore. Ou encore gettare, jeter, mot qui sera à l'origine de ghetto, l'espace réservé aux juifs sur l'emplacement des anciennes usines. Selon eux, les fuseri seaient plutôt les ouvriers qui travaillait au filage de la laine avec le fuso, fuseau. Remarquant cependant que le pont s'ouvre sur la rue nommée Frezzaria, parce qu'on y trouvait des boutiques de flèches (frezze), on peut incliner pour la première version, celel selon laquelle on aurait fondu dans les boutiques voisines, le fer pour en faire des flèches.

PONTE DEL FONTEGO Disposés le long du Grand Canal les fonteghi étaient des bâtiments public loués comme magasins à des marchands étrangers. La fondaco (ou fontego) del megio se reconnaît à ses murs en briques brutes percés de petites fenêtres. C'était les magasins du grain, notamment du millet (megio). A côté d'elle, toujours face au Palazzo Vendramin, la fondaco dei Turchi servait d'entrepôt aux marchands turcs. La fondaco dei Tedeschi était le siège des négociants allemands. Sa façade ouvrant sur le Grand Canal était autrefois décorée de fresques peintes par Giorgone. Elle est devenue la poste centrale jusqu'aux premières années du 21ème siècle.

PONTE DEL FORNER C'est sans doute le nom le plus répandu à Venise. On compte 41 lieux (calle ou corte, ou fondamenta) dits del Forno, 17 del Forner, auxquels il faut ajouter 16 del Pistor, parole synonyme de fornaio, boulanger. L'un des ponts del Forner unit le quartier de Santa Croce à San Polo. Un autre se trouve au voisinage de San Stae Deux autres ponts à Venise sont dits del Forno. L'explication est simple, chaque quartier avait son boulanger. Il est à noter qu'au place, aucun campo ne porte ce nom. Ceci car une loi obligeait le travail de la farine et la vente du pain dans les calli. Au contraire on pouvait trouver les boucheries (macellerie), sur les places. Les lois qui régissaient la cuisson, le poids et le prix du pain étaient très sévères. Des contrôles réguliers étaient effectués. Les pains qui ne répondaient pas aux critères imposés étaient confisqués et détruits sur les marches du pont du Rialto.

PONTE DELLA FAVA Selon une légende, le propriétaire d'une boutique, située au pied de ce pont, cachait une grande quantité de sel de contrebande sous quelques sacs de fèves, légumes dont il faisait le commerce. Lors d'une visite des Inspecteurs au Sel, il s'agenouilla, en cachette, devant une image de la Vierge, la suppliant de ne pas être découvert et ne pas finir en prison. Sa prière ayant été exaucée et la nouvelle s'étant répandue au voisinage, cette image miraculeuse de la Vierge fut surnommée l'image della Fava (de la fève). Le nom fut donné au pont, au campo, à l'église et à la calle voisins. Mais une autre légende veut que, près de ce pont, se trouvait une boutique où l'on vendait des confiseries, en forme de fèves, spécialement préparées pour la fête des Morts, début novembre. L'origine de cette tradition est que, croyant voir sur les pétales de la fleur de fève quelques lettres funèbres, on s'imaginait que l'âme des morts se transmettait à travers les fèves. La tradition était, le jour des funérailles des grands patriciens, de faire parvenir aux couvents voisins une grande quantité de fèves à distribuer aux pauvres. Chaque 2 novembre, on conserva cette habitude et les gondoliers qui, gratuitement, faisaient passer les religieux d'une rive à l'autre du canal recevaient eux aussi en ce jour des fèves, en remerciement du service rendu. Enfin dernière hypothèse, beaucoup moins poétique : une famille Fava aurait tout simplement habité dans cette zone. Il serait cependant bien singulier que , fait unique , on ait donné ce nom à un pont, un campo, une église et une calle !

PONTE DELLA FRESCADA L'origine du nom que donne Tassini paraît fantaisiste : pour lui, le lieu aurait été un oasis de fraîcheur, frescada, parce abrité du soleil par de branchages (frasche). Il paraît plus certain que le pont tire son nom d'une famille Frescada qui avait là son palais.

PONTE FOSCARI Voisin de Ca' Foscari Ca, pour casa, maison. Ca' Foscari, c'est le palais de la famille Foscari, que le doge Franscesco Foscari acheta en 1452. Son fils unique accusé de trahison et de meurtre fut condamné deux fois à l'exil. D'où une situation cornélienne pour le vieux doge, qui finalement doit donner sa démission quelques mois avant de mourir en 1457. L'histoire est à l'origine d'une tragédie de Byron, que Verdi reprendra pour écrire son opéra : I due Foscari. Aujourd'hui, c'est le siège de l'Université.

PONTE DEI GARZOTI O PONTE CAPPELLO Les garzoti étaient les employés au travail du cardage (garzatura) de la laine. Le travail de la laine, florissant dans les siècles d'or de la République était concentré dans cette zone. Une des rues voisines porte le nom de calle dei Lavadori (mot vénitien pour lanaioli), ouvriers qui eux tissaient la laine. Si le même pont porte le nom de Garzoti, c'est parce qu'une famille Garzoti possédait ici un palais.

PONTE DEI GUARDIANI Les scuole (écoles) d'art, de métier et de dévotion eurent une grande importance à Venise, représentant un des principaux éléments du tissus social. On en compatit 210 en 1510. Elles accueillaient les représentants de divers métiers : marchands de fruits, orfèvres, bouchers, médecins, tailleurs…ou bien les représentants d'une même communauté étrangère : grecs, milanais, albanais…Il y avait l'école des zoppi (boiteux) où se réunissaient les mutilés de guerre. Enfin les écoles de dévotion étaient de véritables confraternités religieuses. En quelques sorte, ce furent les ancêtres tout à la fois de nos clubs, nos syndicats, nos associations. Les plus riches abritaient un véritable patrimoine artistique. Faut-il rappeler le cycle du Tintoret à la Scuola Grande di San Roccco, ou celui du Carpaccio à San Giorgio degli Schiavoni ? A l'intérieur d'une scuola régnait une rigide hiérarchie, au sommet de laquelle on trouvait il guardiano ( ou gastaldo), qui à l'origine était même nommé par le doge. Il fut ensuite élu par ses confrères à l'intérieur de l'école.

PONTE DEL GHETTO En fait, il existe 3 ponts : Le Ponte del Ghetto Nuovo, le Ponte del Ghetto Vecchio et le Ponte del Ghetto Nuovissimo Le dictionnaire donne aujourd'hui la définition suivante du mot "ghetto" : quartier où les juifs étaient obligés de résider, et par extension, quartier où se regroupent, sous la contrainte ou non, les minorités d'une communauté. Le ghetto de Venise est intéressant parce que ce fut le premier ghetto du monde. On sait que déjà, vers 1200, les juifs étaient présents à Venise. Quelques uns pensent même que la Giudecca tire son nom du fait que les juifs résidaient alors sur cette île. Ils exerçaient deux métiers : médecins, prêteurs sur gage. La religion interdisait aux catholiques de gagner de l'argent en prêtant de l'argent et donc condamnait l'usure. Vers 1500, les juifs sont installés à Mestre et ils ont le droit de venir temporairement exercer leur métier à Venise. On leur accorde le droit de vendre aussi des vêtements usagés, dont les belles vénitiennes raffoleront. Ils n'ont le droit de posséder aucun bien immobilier, ceci dans le but qu'ils puissent garder leurs liquidités pour les prêts. Ils doivent porter un disque jaune, sauf les médecins. Malgré tout, certains réussissent à s'installer. Au 14ème siècle, sur une petite île reliée au reste de Venise par seulement deux ponts, se trouvait la "nouvelle fonderie" de Venise. En vénitien, c'était l'atelier du "getto", du verbe gettare, jeter, fondre. Les premiers juifs qui s'y installèrent étaient d'origine allemande et ils durcirent la prononciation, d'où le mot "ghetto". C'était un quartier facile à "fermer" puisqu'il suffisait de mettre une porte à chacun des deux ponts (aujourd'hui, il y en a 3). Au 15ème siècle à cause des risques d'incendie, la fonderie dut se transférer sur une autre île de la lagune. Quelques années durant, le quartier resta abandonné. Le 15 mars 1516, un décret oblige les juifs à s'installer dans ce quartier et précise que "afin qu'ils ne circulent pas pendant la nuit, deux portes seront mises en place et fermer de minuit à l'aube, gardées par 4 gardiens payées par les juifs eux-mêmes". Remarquons donc que les vénitiens avaient inventé un système où les prisonniers devaient payer leurs geôliers. Ce qui n'est pas sans rappeler que plus tard les juifs déportés à Auschwitz devront payer leur billet de train. Pourtant, jamais les juifs à Venise ne furent vraiment persécutés et l'on pourrait même voir là une sorte de protection qui leur était accordée. D'ailleurs ils affluaient d'autres régions d'Europe où leur sort était bien pire. En 1516, ils étaient 700. En 1630, ils seront 5000. Puis leur nombre diminuera. Le ghetto nuovo fut rapidement trop petit pour accueillir tout le monde. Ils s'installèrent alors dans le ghetto vecchio et l'on construisait les immeubles les plus hauts de Venise, jusqu'à 6 ou 7 étages. Les juifs venaient de diverses régions d'Europe. Chacun gardait sa langue, ses habitudes, sa manière de prier. Ils construisirent cinq synagogues, appelées Scuole parce qu'elles servaient aussi de lieux d'éducation. Le 17 mai 1797, Bonaparte entrait à Venise. C'est lui qui mettra fin à cette discrimination. Le 7 juillet les portes du ghetto seront définitivement ôtées.

PONTE DELLA GUERRA Comme le Ponte dei Pugni à San Barnaba, c'était autrefois le théâtre de luttes organisées, appelées guerre, qui souvent dégénéraient en véritables batailles. Les bandes rivales des différents quartiers venaient s'y affronter.

PONTE DELLE GUGLIE Il est ainsi appelé à cause des quatre aiguilles (guglie) placées à ses quatre angles à l'occasion de sa reconstruction définitive en 1823. A l'origine il s'appelait Ponte di Cannaregio, du nom du canal qu'il traversait. Certains voudraient que Cannaregio dérive de Canal Regio, (regio=royal), ce canal étant le plus imposant après le Grand Canal. Mais il est beaucoup plus vraisemblable que le mot dérive de canna, qui signifie canne, la zone étant dans le passé une zone marécageuse remplie de roseaux.

PONTE DEGLI INCURABILI La syphilis se propagea en Italie vers la fin du 15ème siècle. Elle fut appelée " mal français " parce que sa diffusion coïncida avec la conquête de Naples par Charles VIII. Venise ne fut pas épargnée. On y enregistre les premiers cas de cette maladie considérée comme incurable en 1496. En 1522, Gaetano da Thiene fonde à l'extrémité de la fondamenta delle Zattere (qui ne s'appelle pas encore ainsi) un petit hôpital où l'on recueille les malades atteint de la syphilis, souvent en provenance d'autres hospices où l'on craignait la contagion. Avec le temps, sa structure s'agrandit . Accueillant les enfants abandonnés et les orphelins, il était alors l'une des institutions de charité mises en place par le gouvernement vénitien et financées par les familles nobles. Petit à petit, il devint un de ces conservatoires réputés où les jeunes filles apprenaient la musique, comme la Pietà et les hospices des Deriliti et des Mendicanti En 1819, il fut transformé en caserne et l'église voisine en dépôt militaire. Plus tard, il devint centre de rééducation des mineurs avant d'abriter une école.