CURIOSITÉS VÉNITIENNES

La particularité de ce petit guide est qu'il ne vous invitera à rentrer dans aucune église, aucun musée, aucun palais.

Non pas, naturellement, que je vous déconseille ce type de visites. Mais il existe déjà tant d'ouvrages bien faits traitant du sujet que je ne me reconnais aucune compétence pour y ajouter quoi que ce soit.

Cet ouvrage n'est donc rien d'autre qu'une invitation à flâner à travers les ruelles de la cité et le récit de quelques anecdotes liées aux lieux traversés. Ruelles qui, à Venise, portent le nom de : "calle", "ruga", "rio terrà", "fondamenta", "salizzada"…

Une de mes sources a été un livre publié à la fin du 19ème siècle par Giuseppe Tassini, un vénitien passionné par l'histoire de sa ville, livre qui lui-même avait pour titre : "Curiosità Veneziane".

En cliquant sur ce lien :

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Vous aurez une vue agrandie de cette carte et pourrez repérer par leurs numéros les lieux décrits ci-dessous

1 PAZIENZE (CALLE DELLE)

Le mot pazienza désigne un petit gilet que portait certains religieux sous leurs vestes. Les sœurs d'un ordre dissident, refusant l'obéissance ecclésiastique et donc condamnées par l'Eglise (les Pinzochere del Carmine) s'étaient spécialisées dans la fabrication de ces gilets

2 CANNE (CALLE DELLE)

Le quartier Cannaregio tire son nom de ce qu'il était à l'origine une zone marécageuse envahie par les roseaux (canna, roseau)
On trouvait sur ces lieux un dépôt de cannes dont on se servait pour les navires.

3 PENITENTI (CALLE LARGA DELLE)

Au début du 18ème siècle, s'ouvrit un hospice pour accueillir dans le quartier de Cannaregio les femmes égarées qui se repentaient de leurs erreurs.

Un autre couvent, sur l'île de la Giudecca accueillait lui aussi les repenties, Fondamenta delle Convertite. Il fut ensuite transformé en prison pour femmes.

4 PALAIS LABIA

Selon la légende, le propriétaire du palais était tellement riche qu'il jetait dans le canal la vaisselle d'or après les festins . Il pouvait alors dire : "Le abia, o non le abia, sarò sempre Labia". c'est à dire : "Que je l'aie ou que je ne l'aie pas, je serai toujours un Labia".

Il fit appel à tiepolo pour décorer le grand salon du palais.

5 LE GHETTO

Le dictionnaire donne aujourd'hui la définition suivante du mot "ghetto" : quartier où les juifs étaient obligés de résider, et par extension, quartier où se regroupent, sous la contrainte ou non, les minorités d'une communauté.

Le ghetto de Venise est intéressant parce que ce fut le premier ghetto du monde.

On sait que déjà, vers 1200, les juifs étaient présents à Venise. Quelques uns pensent même que la Giudecca tire son nom du fait que les juifs résidaient alors sur cette île.

Ils exerçaient deux métiers : médecins, prêteurs sur gage. La religion interdisait aux catholiques de gagner de l'argent en prêtant de l'argent et donc condamnait l'usure.

Vers 1500, les juifs sont installés à Mestre et ils ont le droit de venir temporairement exercer leur métier à Venise. On leur accorde le droit de vendre aussi des vêtements usagés, dont les belles vénitiennes raffoleront.

Ils n'ont le droit de posséder aucun bien immobilier, ceci dans le but qu'ils puissent garder leurs liquidités pour les prêts. Ils doivent porter un disque jaune, sauf les médecins. Malgré tout, certains réussissent à s'installer.

Au 14ème siècle, sur une petite île reliée au reste de Venise par seulement deux ponts, se trouvait la "nouvelle fonderie" de Venise. En vénitien, c'était l'atelier du "getto", du verbe gettare, jeter, fondre. Les premiers juifs qui s'y installèrent étaient d'origine allemande et ils durcirent la prononciation, d'où le mot "ghetto".

C'était un quartier facile à "fermer" puisqu'il suffisait de mettre une porte à chacun des deux ponts (aujourd'hui, il y en a 3).

Au 15ème siècle à cause des risques d'incendie, la fonderie dut se transférer sur une autre île de la lagune. Quelques années durant, le quartier resta abandonné.

Le 15 mars 1516, un décret oblige les juifs à s'installer dans ce quartier et précise que "afin qu'ils ne circulent pas pendant la nuit, deux portes seront mises en place et fermer de minuit à l'aube, gardées par 4 gardiens payées par les juifs eux-mêmes".

Remarquons donc que les vénitiens avaient inventé un système où les prisonniers devaient payer leurs geôliers. Ce qui n'est pas sans rappeler que plus tard les juifs déportés à Auschwitz devront payer leur billet de train.

Pourtant, jamais les juifs à Venise ne furent vraiment persécutés et l'on pourrait même voir là une sorte de protection qui leur était accordée. D'ailleurs ils affluaient d'autres régions d'Europe où leur sort était bien pire.

En 1516, ils étaient 700. En 1630, ils seront 5000. Puis leur nombre diminuera.

Le ghetto nuovo fut rapidement trop petit pour accueillir tout le monde. Ils s'installèrent alors dans le ghetto vecchio et l'on construisait les immeubles les plus hauts de Venise, jusqu'à 6 ou 7 étages.

Les juifs venaient de diverses régions d'Europe. Chacun gardait sa langue, ses habitudes, sa manière de prier. Ils construisirent cinq synagogues, appelées Scuole parce qu'elles servaient aussi de lieux d'éducation.

Le 17 mai 1797, Bonaparte entrait à Venise. C'est lui qui mettra fin à cette discrimination. Le 7 juillet les portes du ghetto seront définitivement ôtées.

6 CAPITELLO (CALLE DEL)

Capitello désigne aujourd'hui le petit autel que l'on rencontre si souvent autour d'une rue.

Son origine est la suivante : à une époque où les ruelles étaient vraiment peu sûres. On allumait alors, la nuit venue, quelques fanaux pour les éclairer. La piété des paroissiens voisins les portait à venir déposer autour de ces lumières des images des saints ou de la Vierge, pensant qu'en les apercevant les malfaiteurs renonceraient ainsi à leurs méfaits.

7 CAMPIELLO PEGOLOTTO

Les pegolotti étaient les ouvriers de l'Arsenal qui calfeutraient les fissures des navires. Au nombre de 900, ils jouissaient d'un certains nombre de privilèges comme celui de ne pas être enrôlé dans la milice.

8 FONDAMENTA DELLA SENSA

Une fondamenta désigne à Venise un quai, bordant un rio.

La Sensa, c'est la fête de l'ascension. Jour où le doge partait sur le Bucentaure, son riche navire couvert d'or, pour la plage du Lido où avait lieu la cérémonie des Epousailles avec la mer. Il jetait un anneau dans les flots demandant protection pour les marins.

C'était aujourd'hui jour de foire sur la place Saint-Marc, foire qui durait plusieurs jours.

Comme on peut le voir sur un tableau de Gabriele Bella exposé à la pinacothèque Quérini et intitulé "Il corso delle Cortigiane in rio della Sensa", le rio della Sensa, bordé par la fondamenta du même nom, était un lieu où les prostituées (de luxe, les courtisanes) venaient, le jour de l'Ascension, se donner en spectacle aux spectacles, lascivement installées dans des gondoles

9 CAMPO DEI MORI

On peut y voir encastrer dans un mur les statues de trois maures, hommes vêtus à l'orientale. Elles représentent trois frères, commerçants en épices, arrivés d'Orient vers 1112 : Sandi, Afani et le plus connu : il Signor Rioba. Un journal populaire édité en 1848 "L'ombra de Sior Antonio Rioba" le rendit immortel. On raconte qu'une plaisanterie courante était celle d'envoyer des garçons de bureau remettre des plis au Signor Antonio Rioba, Campo dei Mori.

10 EX SQUERO

A Venise, le squero désigne la fabrique de gondoles. L'origine de ce mot est peut-être la parole squadra, l'instrument, sorte d'équerre, qui servait pour la fabrication des gondoles, parole qui aurait été déformée en squara puis squera.

Le plus célèbre des squeri de Venise est celui qui, encore en activité, se trouve au bord du rio de San Tomaso.

Mais beaucoup de charme à cet ex-squero que l'on peut admirer du ponte dei Muti, en venant de la fondamenta dell'Abbazia.

11 LE CASINO DES ESPRITS

Il surgit à l'extrémité de la Sacca de la Misericordia et servait au début du 20ème siècle de dépôt de bois. Sa structure est élégante, sa position agréable. Il domine la lagune, les îles de Murano et de San Michele.

Il y a ceux qui disent que se rassemblaient ici pour le plaisir, les plus beaux esprits de l'époque, comme Aretino, Titien, Sansovino etc…, et que le casino tirerait son nom de là. Mais l'opinion la plus répandue veut, qu'ici, la nuit, on entendait des rumeurs infernales, et l'on voyait apparaître des lutins. Cette croyance était, en quelque sorte, renforcée par le fait que la voix de qui se tenait à l'extrême point des Fondamente Nuove, au delà du canal, y recevait certainement, de face, les effets de l'écho, qui a toujours semblé quelque chose de mystérieux à l'imagination populaire.

Mais qui, au jour d'aujourd'hui voudra croire à telles balivernes ?

N'est ce pas une chose naturelle que ces rumeurs qui ont été et seront toujours émises par le vent qui fait habituellement rage dans cette partie de la lagune où est situé le casino?

N'est-ce pas pour atteindre leurs fins et pour éloigner le peuple des parages que certains voulaient ces rumeurs artificielles et ces racontars fantastiques ?

12 PONTE CHIODO

Autrefois, les ponts de Venise n'avaient pas de parapet. Ce pouvait être de simples planches de bois que l'on jetait d'une rive à l'autre d'un rio. Cela permettait le passage des chevaux, car il y avait alors à Venise des chevaux et l'on retirait les planches pour permettre le passage des bateaux.

Le Ponte Chiodo est aujourd'hui le seul pont sans parapet qu'il reste Venise. Un autre peut se voir sur l'île de Torcello : le ponte del Diavolo.

13 CORTE DEL POZZO D'ORO

Les puits furent en usage à Venise jusqu'en 1884, date à laquelle entra en service l'aqueduc qui apporta l'eau douce de la terre ferme.

D'une structure très complexe, il y avait à Venise plus de 6000 puits. Ils en reste aujourd'hui 2500.

Certains étaient publics. Les plus riches avaient naturellement leur puits privé.

Le puits servait de citerne aussi bien pour la conservation des aux de pluie, que de filtre pour la dépuration de ces eaux. Profond d'environ 6 mètres, le fond était revêtu d'argile pour le rendre imperméable. La partie visible du puits, parfois richement sculptée s'appelle vera, margelle.

14 CALLE LARGA DEI PROVERBI

Au numéro 1840 de cette rue, on pouvait lire sur la corniche d'un immeuble, les deux proverbes suivants :

-Celui qui sème des épines ne va pas déchaussé

-Parle moi de toi, je te parlerai alors de moi.

15 CALLE DEI FELZI

On appelait felzi, les petits habitacles que l'on construisait sur les gondoles. A l'origine c'étaient de simples montants de bois sur lesquels on étendait des tissus ou des fougères (en italien : felci) pour s'abriter. Au 16ème siècle, plus de 10000 gondoles circulaient et leurs ornements devinrent de plus en plus riches.

A tel point que le Magistrat aux Pompes, estimant un tel luxe excessif, ordonna de les recouvrir uniquement de laine ordinaire noire.

On peut en voir quelques uns exposés aujourd'hui au musée naval.

16 RAMO VARISCO

La ruelle la plus étroite de Venise,…peut-être du monde? : 53 cm de large

17 FONDAMENTA DEI MENDICANTI

Quand la lèpre était un fléau, on envoyait sur l'île de S. Lazzaro ceux qu'on soupçonnait d'être atteints. Il semble qu'il y ait eut jusqu'à 10000 personnes entassées sur l'île qui était aussi un lieu de mise en quarantaine pour les marchandises.

Plus tard, la maladie ayant presque disparue, celle île devint le refuge des clochards.

Au 17ème siècle, deux riches marchands voulurent mettre fin à cette situation honteuse et construisirent un hospice pour accueillir les mendicanti, les mendiants.

18 BARTOLOMEO COLLEONI (Statue équestre de)

A l'origine, condottieri était le nom donné aux hommes d'armes qui partaient en croisade.

Par la suite, le mot désigna les capitaines de compagnie que les états italiens payaient pour faire la guerre, des espèces de mercenaires. Ils engageaient eux-mêmes et payaient leurs hommes, sachant leur imposer la discipline.

Un des plus fameux condottiere au service de la République de Venise fut Bartolomeo Colleoni (1400-1476). Il avait souhaité qu'après sa mort on érige à sa mémoire une statue sur la place Saint-Marc, laissant à cet effet 100000 ducats. Mais jamais, à Venise, on n'accepta de dresser une statue sur la place. En effet les honneurs étaient réservés à l'Etat lui-même et non à ses hommes. C'est donc déjà remarquable et exceptionnel qu'une statue équestre soit dressée le représentant face à la Scuola Grande di San Marco, devenu aujourd'hui l'hôpital.

La statue réalisée par Alessandro Leopardi en 1496 est considérée comme l'une des plus belles du genre.

19 LES MANEGES DE CHEVAUX A SS GIOVANNI E PAOLO

La principale école de cavalerie, dite des Nobles, fut fondée à la fin du 17ème siècle à SS. Giovani et Paolo, derrière l'église des Mendicanti. Elle était capable d'accueillir plus de soixante chevaux. Elle était tenue par une société de patriciens, qui payait un maître cavalier avec l'obligation de maintenir quatre chevaux de manège, trois pour l'instruction, un pour la course.

Ici, se donnaient des tournois et des fêtes masquées à cheval. La cavalerie des Mendicanti fut fermée en 1735 et transformée en savonnerie ; mais réouverte en 1750, elle dura jusqu'à la fin de la République.

C'est précisément dans ce manège que Casanova fut arrêté en juillet 1755.

Elle fut ensuite abattue et, de nos jours, sur son emplacement on a construit une grande bâtisse annexée à l'hôpital.

Une autre cavalerie s'installa à la Giudecca en 1758 pour accueillir les marchands de Venise et les étrangers qui voulaient se divertir et apprendre à monter avec bonne méthode. la direction en est confiée à Ferdinando, fils tout autant capable que son père qui servit de bonne manière la cavalerie des Nobles à SS. Giovanni et Paolo."

Elle cessa ses activités en 1767.

Notons cependant que les vénitiens n'eurent jamais la réputation de bons cavaliers et que "monter comme un vénitien" est même une expression utilisée pour qualifier celui qui monte mal.

20 BARBARIA DELLE TOLE

Tola est le mot vénitien mot tavola, table de bois.

Pour Barbaria, la première hypothèse est qu'autrefois la zone était sauvage, barbare.

Mais plus vraisemblable; la deuxième fait un rapprochement avec barba, la barbe. Ce serait dans ce quartier que l'on ébarbait les bois destinés aux constructions navales.

21 CORTE BAFFO

Nom d'une famille patricienne. Son dernier représentant est Giorgio Baffo poète né en 1694, qui fit parti de la cour suprême de justice mais se rendit surtout célèbre par ses poésies en dialecte vénitien. Il s'attaqua à la corruption, aux vices de la cité et écrivit de nombreux poèmes licencieux, voire obscènes

Senti, pittor, depenzime una donna Ecoute, peintre, représente une femme
Senza camisa, come Dio l’ha fatta, Sans chemise, comme Dieu l'a faite
coi cavei biondi, e colla coa desfata, Avec les cheveux blonds et défaits
e co un fioretto in testa alla barona; Une fleur dans la chevelure
che la gabbia un visetto da Madona, Qui lui donne un visage de Madone
co una tettina bianca, e delicata. Le sein blanc et délicat.

22 PONTE DELL'ARCO

Premier ou l'un de premiers ponts édifié en pierre, ayant la forme d'un arc, car auparavant pour permettre le passage des chevaux les ponts étaient de bois et sans arche.

23 DANTE ET LA DIVINE COMEDIE

Rappelons qu'elle se divise en 3 parties : l'Enfer, le Purgatoire et le Paradis.

A l'entrée de l'Arsenal, le "pont de l'Arsenal ou du Paradis" est là pour nous rappeler les liens qui unissent Dante à l'Arsenal. A gauche, on rencontre deux petits ponts qui enjambent le rio de l'Arsenal et qui se nomment : pont de l'Enfer et pont du Purgatoire.

24 ARSENAL

Que Dante appelle arzana. Le mot pourrait dériver de argine, digue. L'arsenal étant un espace clos fermé par des digues.
Il est plus vraisemblable qu'il vienne de l'arabe darsena , qui indique le lieu où l'on fabrique les navires.

Ce fut le premier arsenal d'Europe, le plus grand. Il est certain que dès le 13ème siècle, on construisait à Venise des galères.

On a coutume de dire que ce n'est pas Venise qui a fait l'Arsenal, mais l'Arsenal qui a fait Venise. Il y eut jusqu'à 15000 ouvriers, appelés arsenalotti. Ils étaient capable de construire un navire en une journée (plus précisément à assembler les pièces préalablement préparées).

On fait appel à eux pour les charpentes des églises et ce sont eux aussi qui construisirent celle du palais ducal.

Considérés comme l'élites des artisans, ils jouissaient de privilèges, tels que des logements gratuits ou à très faible loyer.

On peut lire sur une plaque de marbre à gauche de l'entrée les vers que Dante écrivit au chant XXI de l'Enfer de sa Divine Comédie :

" Quale nell' Arzanà de Viniziani

Bolle d'inverno la tenace pece…"

dont voici la traduction :

"Comme dans l'Arsenal des vénitiens, bout, en hiver la poix tenace pour calfater leurs navires avariés, qui ne peuvent plus naviguer…"

25 CAMPO DELLA TANA

La Tana est le grand bâtiment, à l'intérieur de l'Arsenal où l'on entreposait et fabriquait les cordages. Il fut agrandi vers 1580 par l'architecte Da Ponte, celui la même qui construisit le pont du Rialto.

26 L'EGLISE SAN PIETRO DI CASTELLO

Construite au 9ème siècle, elle fut le siège de l'évêché de Venise. En 1451, Venise eut son propre patriarche. Elle devint cathédrale et resta jusqu'en 1807 le siège du pouvoir religieux à Venise, date à laquelle il passa à la basilique Saint Marc.

Le Campo San Pietro devant l'église est l'une des seules places verdoyantes de Venise.

Une fête remarquable, qui se déroule tous les 1 février est la fête delle Marie.

C'était la tradition de célébrer les mariages dans la cathédrale San Pietro di Castello, le 31 janvier, jour anniversaire de la translation du corps de Saint Marc . C'est avec solennité que les épouses y portaient, dans des petits coffres, leur trousseau nuptial.

Au 10ème siècle, quelques pirates venus d'Istrie ou de Trieste envahirent l'église au milieu des célébrations et ravirent les épouses avec leurs dotes, les embarquant dans des navires qu'ils avaient préparé sur la rive et prenant précipitamment la fuite.

Les vénitiens, s'étant réveillés de leur première surprise, poursuivirent les kidnappeurs et, la veille, ou même le jour de la Purification de la Vierge, les battirent, retenant de force leur proie.

Pour commémorer cet épisode, il fut institué la célèbre fête des Maries, au cours de la quelle douze jeunes filles, appelées Marie, richement vêtues, ornées d'or et de bijoux, dans des barques bien décorées, au milieu de musiques harmonieuses, parcouraient les canaux de toute la ville pendant les huit jours qui précèdent la Purification. Ce jour là, avec le doge et sa suite, elles se rendaient à l'église S. Pietro di Castello, écoutaient la messe, puis se dirigeaient ensuite à l'église San Marco où elles recevaient les cierges bénis.

Les Maries ne furent pas toujours en chair et en os mais furent remplacées à partir d'une certaine époque par douze figures de bois. Le peuple ne vit pas d'un bon œil un tel changement et il n'était pas rare de jeter derrière ces pantins des trognons de chou et d'autres immondices. En outre, quand il voulait tourner en ridicule quelque femme niaise, maigre, il prit l'habitude de la surnommer : "Marie de bois" ; en italien: Maria de legno ou Maria de tola".

Quelques uns voient là l'origine au mot "marionnette".

27 CORTE DELLE ANCORE

Ancora, c’est l’ancre des bateaux. Curieusement, elles n’étaient pas toutes fabriquées à l’Arsenal ; et certaines ne servaient d’ailleurs à la navigation mais étaient considérées comme un élément de décoration dans les familles riches.

28 RIVA DEI SETTE MARTIRI

La rive fut baptisée ainsi après la seconde guerre mondiale , en souvenir de sept vénitiens choisis parmi les prisonniers de la prison de Santa Maria Maggiore et tués par les soldats allemands en représailles. Une sentinelle allemande avait en effet disparue avec son bateau. Cependant on retrouva quelques jours plus tard dans les eaux où selon toute vraisemblance, elle était tombée ivre morte.

29 PIETA (CALLE DELLA)

L'hospice de la Pieta fut l'un des plus célèbres à Venise. On y accueillait les enfants pauvres pour leur assurer une éducation convenable. Souvent ce genre d'établissement faisait fonction de conservatoire, la musique y étant enseignée à un haut niveau. Celui de la Pieta doit sa renommée à ce que Vivaldi y fut professeur pendant 30 ans.

30 PONTE DELLA PAGLIA

On y déchargeait la paille qui servaient pour la paillasse des prisonniers. La prison du palais des Doges est toute proche. La paille servait aussi pour les écuries qui se situaient dans la cour du palais.

Notons que la prison resta en service jusqu'au milieu du 20ème siècle.

C'est le meilleur endroit pour faire la photo souvenir. Les touristes s'y pressent avec en arrière plan le pont des Soupirs, soupirs que les condamnés poussaient en franchissant ce pont lorsque après avoir été jugé dans une salle du palais ducal, ils étaient conduits dans les prisons.

Terribles prisons : les piombi, sous les toits de plombs où la chaleur était insupportable en été et les pozzi, les puits, sous le niveau de la mer et donc envahis par l'eau.

Voici comment Casanova, dans ses Mémoires écrits en français, parle des "puits" :

"Ces prisons souterraines ressemblaient parfaitement à des tombeaux, mais on les appelle les Puits, parce qu'il y a toujours deux pieds d'eau qui y pénètrent de la mer par la même grille au travers de laquelle ils reçoivent un peu de lumière. A moins que le malheureux condamné à vivre dans ces cloaques impurs ne veuille prendre un bain d'eau salée, il est obligé de se tenir toute la journée assis sur un tréteau où se trouve une paillasse et qui lui sert de garde-manger. Le matin, on lui donne une cruche d'eau, une pauvre soupe et une ration de pain de munition, qu'il est obligé de manger de suite, sil ne veut qu'il devienne la proie des gros rats de mer qui abondent dans ces horribles demeures."

31 LES DEUX COLONNES DE LA PIAZZETTA

L'une est dite de Saint-Marc : à son sommet, le lion ailé symbole associé à Saint-Marc.

L'autre dite de Théodore, qui avant Saint-Marc était le patron de Venise : à son sommet, le saint guerrier grec Théodore terrassant le dragon.
Elles furent rapportés d'Orient en 1172. On croit savoir qu'elles devaient être au nombre de trois mais l'une d'elles tombée à la met, ne fut jamais retrouvée.

C'était autrefois la porte d'entrée officielle dans la cité des Doges.

La zone située entre les deux colonnes fut ensuite décrétée zone franche : les jeux de hasard y étaient autorisés là seulement.

C'est aussi entre les deux colonnes qu'avaient lieu les exécutions capitales par pendaison ou autres moyen, le condamné faisant face à la tour de l'Horloge pour voir arriver l'heure de sa mort.

Un exemple de condamnation : celle de Piero Tentor, en 1672.

Accusé d'avoir abusé d'une jeune femme et de l'avoir obligé à manger de la viande un jour de jeune, il fut conduit à Santa Croce, où l'on administra des coups au fer rouge. Il fut attaché à la queue d'un cheval et traîné jusqu'à la piazzetta pour avoir la tête tranchée.

113 exécutions eurent lieu au 16ème siècle, 323 au 17ème et 89 au 18ème.

Aujourd'hui encore, le vrai vénitien, par superstition évite donc de passer entres les deux colonnes.

32 LES DEUX COLONNES DE MARBRE ROUGE DU PALAIS DES DOGES

Sur la façade du palais ducal, vous noterez que les neuvième et dixième colonnes, en partant de la gauche, qui forment les arcades supérieures, se distinguent des autres par leur couleur rouge. Elles sont en marbre rouge de Vérone. C'est de là qu'on lisait les sentences capitales qui ensuite étaient exécutées entre les colonnes de la Piazzetta.

33 LA PORTA DELLA CARTA

Cette porte qui mène à la cour du palais des Doges est due à Bartolomeo Buono. Elle doit son nom au fait que l'on placardait dessus les annonces. Les balotini, jeunes garçons préposés au dépouillement des scrutins affichaient tout le long des portiques, entre la porte et l'escalier des Géants, le résultats des votes du Conseil Major et du Sénat, qu'ils avaient transcrit sur papier (carta, en italien).

Ils servaient aussi d'écrivains publics aux illettrés par l'intermédiaire du ministère de la Plume.

Ce dernier, après la chute de la République fut remplacé et d'autres hommes plantaient leur écritoire sous le portique de droite pour qui entre dans la cour par la Piazzetta r.

On en voyait encore un ou deux, au début du 20ème siècle, prêter l'oreille aux demandes, et pour une petite récompense, rédiger quelque supplique ou quelque lettre dans laquelle une soubrette correspondait avec son fiancé.

34 A L'OMBRE DU CAMPANILE

Un des vins que l'on peut boire dans les bars à vin de Venise, appelés bacari, se nomme ombra.

Autrefois, des vendeurs ambulants vendaient au pied du campanile leur vin directement tiré du tonneau. Ils se mettaient à l'ombre pour ternir le vin au frais et, au fur et à mesure que le soleil tournait, ils déplaçaient leur tonneau pour que celui-ci reste toujours à l'ombre. De là, l'origine du nom de ce vin.

35 LEDA ET LE CYGNE

Bas relief d'une colonne, sous les Procuratie Nuove.

Claudio dell'Orso, dans son livre "Venise Libertine", paru en 1999, nous invite à observer les bas reliefs des colonnes qui occupent respectivement la 14ème et la 24ème arcade en partant de l'angle situé près du campanile.

Sur le premier : Cléopâtre est étendue sans voiles tandis que l'aspic lui mord le sein.

Sur le deuxième : Léda les jambes pliées pour mieux accueillir le cygne.

Selon la tradition de la mythologie grecque, Zeus s'était uni à elle sous la forme d'un cygne d'où seraient sortis deux couples de jumeaux : Clytemnestre et Pollux, Hélène et Castor.

36 LES CAFÉS DE LA PLACE SAINT MARC

Cette graine torréfiée venue d'orient apparaît à Venise en 1638. Considéré d'abord comme un médicament, elle est vendue à un prix très élevé.

La première bottega del caffè ouvre sous les Procuraties en 1683.

Si le café Florian ouvert lui en 1720 est le plus célèbre, il est à noter qu'au 18ème siècle, il y avait sur la place 24 cafés.

Au début les boutiques étaient basses, sans ornements. En dépit de cela, ils étaient très fréquentés surtout en période de carnaval, par les gens et les masques.

Parmi les principaux, on pouvait compter : le Florian, l'Aurora, celui delle Rive, celui du ponte della Guerra Il y en avait de nombreux qui avaient de petites chambres, interdites à plusieurs reprises par le gouvernement, comme nous le verrons, où se tenaient des jeux de hasard et théâtre de toutes les obscénités Plusieurs mesures furent prises contre les licences accordé aux cafés. On essaya même d'en interdire l'accès aux femmes.

C'étaient aussi des cercles littéraires et il servait même … de confessionnal !

37 L'AILE NAPOLEONIENNE DE LA PLACE SAINT-MARC

En mai 1797, Bonaparte entre dans Venise. Le dernier doge est obligé de donner sa démission. C'est la fin de la République qui aura duré exactement 1100ans.

Le 17 octobre 1797, par le traité de Campo Formio, Bonaparte donne Venise à l'Autriche.

Devenu Napoléon, il rentrera à nouveau dans Venise en 1806, acclamés par les vénitiens, qui après l'avoir haï, supportant encore plus mal l'occupation autrichienne, lui dressent un arc de triomphe sur le Grand Canal. Arc de Triomphe en papier mâché, comme les décors de théâtre.

En peu de temps passé à Venise, Napoléon a pourtant laissé de nombreuses traces de ses passages.

Il fit transporter à Paris, sur l'arc de Triomphe du Carrousel, les chevaux de Saint- Marc.

Ils seront restitués plus tard.

Il s'empare d'un grand nombre d'œuvres d'art : tableaux de Véronèse…

Il fait abattre quelques 80 églises dont l'église de San Gimignano qui faisait face à la basilique sur la place Saint-Marc.

Il fait édifier à sa place les bâtiments connus aujourd'hui sous le nom d'aile napoléonienne, bâtiments où se trouvent l'entrée au musée Correr.

38 GIARDINI REALI

Lors de son bref séjour à Venise, Napoléon avait installé ses bureaux dans les Procuratie Nuove.

Il y avait alors entre les Procuratie et le bord de la lagune les plus grands entrepôts de marchandises de Venise. C'est là qu'on débarquait le grain.

Ces bâtiments élevés "bouchaient" évidemment la vue qu'aurait pu avoir Napoléon de ses bureaux. Il en ordonna donc la destruction et fit aménager à leur place les jardins qui aujourd'hui encore sont un lieu de repos des plus agréables.

Ajoutons que Napoléon, toujours lui, est aussi à l'origine des Giardini Pubblici, au delà de l'Arsenal dont il imposa la création, faisant abattre des églises et couvents.

39 LE CAMPANILE DE SAINT-MARC

Jusqu'en 1261, le Conseil Majeur condamnait ceux qui avaient blasphémé contre Dieu, la Vierge Marie ou les saints à payer une amende de trois lires. S'ils ne pouvaient payer, ils étaient jetés à l'eau. Cependant, en 1270, considérant comme excessive la punition de l'eau, elle fut remplacée par celle du pilori (exposition à la risée).

Malgré tout, les Vénitiens ne s'abstinrent pas de cette mauvaise habitude.

Plus fortes se firent alors les peines contre les blasphémateurs et on créa une magistrature adaptée, dite "Exécuteurs contre la blasphémie" .

Quant aux prêtres blasphémateurs, on institua pour eux le châtiment de la cheba, mot du dialecte vénitien pour gabbia, la cage.

On les enfermaient dans une cage, accrochée à mi-hauteur du campanile de Saint Marc, où ils étaient exposés jour et nuit, aux intempéries, pour toute la vie ou pour une durée déterminée.

Ils recevaient leur nourriture quotidienne par l'intermédiaire d'une cordelette qui partait du sol.

Célèbre parmi les prêtes blasphémateurs mis en cage, fut Don Agostino qui fut condamné en 1542 à être enfermé dans la cage du 8 août à fin septembre.

On conta son aventure dans le Lamento di Prè Agostino

"Voici le prête qui a blasphémé

Contre Dieu, les saints et la Vierge pure

C'est pour cette raison qu'il est là".

40 MERCERIA

Merce est le mot italien pour marchandise. Les mercerie sont donc les rues commerçantes de la cité.

Partant de la Tour de l'Horloge, on rejoint le Rialto en parcourant successivement la Merceria dell'Orologio, la Merceria di San Zulian et la Merceria di San Salvador.

41 LA VIEILLE AU MORTIER

Les chroniques nous dépeignent Bajamonte Tiepolo comme un preux chevalier, expert dans le maniement des armes. Il fut choisi comme chef du complot que les Tiepolo, unis aux Querini, et autres familles patriciennes engagèrent en 1310 contre le doge Pietro Gradenigo. Mais les conjurés en venant aux mains avec les milices ducales sur la place Saint-Marc le 15 juin, cela alla mal pour eux et Bajamonte Tiepolo fut obligé de battre en retraite.

Alors que les partisans de Tiepolo s'enfuyaient, près de l'entrée des Mercerie, la vieille Giustina, ou Lucia Rossi, qui semble-t-il, faisait le commerce de miroirs, fit tomber du haut de son balcon sur les fuyards un gros mortier (récipient), lequel alla frapper le porte-drapeau de Bajamonte Tiepolo, le laissant étendu mort sur le carreau..

La vieille interpella la femme du doge et réclama comme récompense pour ces faits :

1)que lui soit accordé d'exposer à son balcon les jours de fêtes, la bannière de Saint-Marc.

2)que la somme de 15 ducats qu'elle payait aux procurateurs de Supra de Saint-Marc, au titre de location de la maison qu'elle habitait et de sa boutique située en dessous, appelée boutique aux miroirs, ne soit augmentée, ni pour elle, ni pour ses filles

Le doge donna ainsi satisfaction à la première comme à la seconde demande, en étendant le bénéfice à tous ceux qui à l'avenir représenterait la vieille.

Au bas de la maison sur les dalles de la Mercerie, on peut voir une petite pierre blanche indiquant le lieu où fut tué le porte-drapeau de Bajamonte.

42 IL RIDOTTO

Les ridotti étaient les salles où les jeux de hasard étaient autorisés. Le plus célèbre de tous fut celui qui s'ouvrit à San Moise dans l'ancien palais Dandolo par Marco Dandolo

En 1708, le roi du Danemark Frédéric IV y vint masquer pour y jouer.

Le jeu, le libertinage y régnaient en souverain donnant suite à de pernicieuses conséquences. Ce ridotto fut fermé par le décret du 17 novembre 1774. Les joueurs se réfugièrent alors dans les casini, cercles plus ou moins clandestins où l'on fondait des fortunes. Ballerini, dans ses Lettres Inédites dit : "C'était le lieu de rencontre de toute la cité avec un mélange des plus grands seigneurs et des plus misérables gens, du seigneur procurateur et semblables sujets et des plus pauvres" .

43 LE CAGALIBRI

Sur le Campo San Stefano se trouve la statue de Tommaseo. Les enfants l'appellent familièrement cagalibri, c'est-à-dire "chie-livres" parce que sa l'extrémité de sa redingote repose sur une pile de livres.

44 MAGAZEN (CALLE DEL)

Plus de vingt rues de Venise ont ce nom

Les magasins étaient des lieux, le plus souvent des terrains, où l'on vendait le vin au détail, où parfois on trouvait à l'air libre des espaces pour jouer aux balles.

Chaque quartier de Venise avait son magasin principal, dit "bastion", dont dépendaient les autres, secondaires. L'ancien usage était que les magasiniers faisaient des prêts sur gage aux pauvres gens, donnant l'argent partie en espèces, partie en vin, qui le plus souvent était de mauvaise qualité. D'où l'expression "vin de gages".

Quand venait le temps de la restitution, le débiteur devait rendre en argent, même ce qui avait été consommé en vin.

Comme aujourd'hui, on voyait dans les magasins les tonneaux symétriquement empilés les uns sur les autres, le comptoir au milieu avec l'espace pour les verres, et l'indispensable petit autel ou petite chapelle. Faisait contraste avec cette dévotion, l'existence de certaines pièces, comme il en existait dans les cafés et auberges où s'enfermaient des joueurs acharnés ou des couples amoureux pour se distraire. Contre ces lieux, la République promulgua diverses lois et en ordonna la fermeture. Elle en fit même détruire quelques uns par la force.

45 PIETRO ARETINO - EGLISE SAN LUCA

Homme de lettres né à Arezzo, en Toscane, en 1492, il se fixa à Venise à partir de 1526. Il y mourut en 1556.

Brillant auteur, à la plume redoutable, il combattait les riches et les puissant, défendait la veuve et l'orphelin. On le surnommait "le fléau des princes". Il fut l'ami d'un pape et s'en fallut de peu qu'il soit nommé cardinal.

Il a dépeint la vie vénitienne au 16ème siècle, mais aussi et l'on pourrait dire surtout (car lorsque aujourd'hui on consulte Internet, c'est essentiellement ce qu'il en reste) écrit des poèmes d'une extrême obscénité, comme par exemple les "sonetti lussuriosi".

Il recevait chez lui des artistes - c'était l'ami du Titien - des hommes de lettres, des coutisanes, des ambassadeurs, des princes, des mendiants, des gondoliers…. Il organisait des joutes littéraires dans les jardins de son palais.

Il était entouré de nombreux serviteurs et servantes, surnommées les "arétines".

Il fut enterré dans l'église San Luca. Sa tombe devint alors lieu de curiosité pour les touristes, ce qui déplut au clergé et à l'occasion de travaux réalisés o fit disparaître toute trace extérieure de ce tombeau.

46 MALVASIA (CALLE DELLA)

Plus de dix ruelles ou places portent ce nom à Venise

La malvoisie, vin originaire de Malvoisie, cité de l'Epire, l'ancienne Epidaure, accompagnait les fritole, ingrédients à base d'herbes potagères. Il y avait la douce, la ronde, l'agréable. Les prêtres en faisaient usage pour la messe. Nombreux étaient les magasins où se vendait la malvoisie, appelés pour cela malvasie. Nombreux les habitués aussi bien hommes que femmes, alléchés par ces confidentielles boutiques. On y voyait parfois des gens de condition supérieure. L'habitude était que, un jeune patricien, arrivé à l'âge de 20 ans, devait s'initier à la vie politique. Après s'être présenté un jour au doge et s'être montré avec l'habit à traîne dans la cour du palais ducal et au Rialto, il se réunissait avec ses amis à la malvasia de la Calle del Rimedio où, au milieu du vin, des gâteaux, des embrassades, des frôlements de main, on lui souhaitait d'heureuses fiançailles.

47 PONTE DEI BARCAROLI

De même que le mot vénitien pour fruttaiolo, marchand de fruit est : fruttarol ; pour erbaiolo, marchands d'herbes, c'est erbarol ; barcarol est le mot du dialecte pour barcaiolo, gondolier.

Il y avait là une station de gondoles.

En français la barcarolle est le chant des gondoliers, puis par extension, toute pièce musicale d'un rythme analogue.

48 SCOACAMINI (CALLE DEI)

Scoa est le mot vénitien pour scopa, balai.

Les scoacamini étaient donc ceux qui nettoyaient les cheminées (camini), les ramoneurs. Mais à l'époque, c'était aussi le nom donné à ceux qui nettoyaient les latrines.

49 BALLOTTE (CALLE DELLE)

Il s'agit là des ballotte ou pallottole, petites boules qu'on utilisait pour l'élection des doges. L'élection était d'une compléxité, de multiples précautions étant prises pour éliminer les fraudes.

Pour l'élection c'est un garçon de dix ans, appelé le ballotino qui distribuait les jetons et les comptait après le vote. Il restait par la suite au service du doge.

Malgré toutes les précautions prises, d'inévitables pratiques frauduleuses voyaient le jour : les plus puissants essayant d'acheter le vote des nobles désargentés. Tout cela se déroulait dans l'espace situé devant le palais des doges qui était une sorte de potager, nommé en dialecte vénitien : brolo ou broglio. De là l'origine de la parole imbroglio.

50 LE CASINO VENIER

Les premiers ridotti étaient réservés aux nobles. Petit à petit fleurirent d'autres ridotti et casini où l'on jouait, dînait et riait beaucoup. En 1767, on n'en comptait pas moins de 136. Le goût des jeux d'argent gagna toutes les couches sociales. La seule règle étant d'y venir masqué.

Le casino Venier, aujourd'hui siège de l'Alliance Française est un des lieux, où sans doute Casanova lui-même passa quelques soirées. On peut, lors d'une visite voir encore la porte dérobée par laquelle, en cas de nécessité, s'esquiver rapidement, le judas, ouverture percée à travers le sol, par lequel on pouvait observer les personnes entrant par le porche.

51 PONTE DELLE BANDE

Banda est le mot vénitien pour parapetto, parapet. Autrefois, aucun pont n'en avait. Celui-ci pourrait être le premier à avoir été construit avec un parapet.

52 TRAGHETTO DEL BUSO

Buso ou buco signifie : trou. Selon la tradition populaire la dénomination de ce lieu a probablement un sens obscène. Nous sommes dans la quartier de la prostitution. C'est la que les gondoliers faisaient traverser le grand Canal à ceux qu'ils emmenaient trouver les prostituées qui avaient été confinées dans le quartier du Rialto.

Il faut savoir qu'au début du 16ème siècle, époque où Venise comptait 120000 habitants, on recensait 11654 prostituées ! Parmi lesquelles une catégorie très privilégiée : celle des courtisanes qui vivaient dans de splendides appartements, s'habillaient élégamment pratiquaient la poésie et la musique. Il existait un catalogue précisant le lieu où l'on pouvait les trouver, le nom de leur entremetteuse et leur tarif.

53 LES FONTEGHI

Disposés le long du Grand Canal les fonteghi étaient des bâtiments public loués comme magasins à des marchands étrangers. La fondaco (ou fontego) del megio se reconnaît à ses murs en briques brutes percés de petites fenêtres. C'était les magasins du grain, notamment du millet (megio). A côté d'elle, toujours face au Palazzo Vendramin, la fondaco dei Turchi servait d'entrepôt aux marchands turcs. La fondaco dei Tedeschi était le siège des négociants allemands. Sa façade ouvrant sur le Grand Canal était autrefois décorée de fresques peintes par Giorgone. C'est aujourd'hui la poste centrale.

54 CORTE DEL MILLION

C'est dans une maison de cette petite cour qu'aurait habité jusqu'à sa mort, en 1324, Marco Polo.

Après 25 ans passés en Chine, Marco Polo revient à Venise en 1295. Lors d'un séjour en prison à Gênes, il partage la cellule de Rusticelleo de Pise. Il lui dicte ses souvenirs que celui-ci transcrit en français : c'est le Livre des Merveilles, en Italien Il Milione.

55 PALAIS CAMERLENGHI AU RIALTO

Alors que le pont du Rialto était en bois, il avait souvent été question de le reconstruire en pierre, mais de nombreuses circonstances et surtout le coût avaient fait qu’aucune résolution n’avait été prise dans ce sens. Les opinions étaient variées, certaines gens le voulant de pierre et pas les autres. De ce second avis étaient deux vieux, un homme et une femme, lesquels se trouvant, un jour, à boire dans une taverne du Rialto. Ils s’engagèrent dans une âpre dispute avec leurs opposants et le vieux se mit à s’exclamer : "Si le pont se réalise, je veux qu’il me naisse un ongle entre les cuisses". Et la vieille : "Et moi, que mon sexe s’enflamme". C’est à ce pari, diffusé dans toute la cité, selon la tradition, que Giugliemo Bergamasco fait allusion dans les deux sculptures érigées par lui au dessus d’un pilier à proximité du palais Carmelenghi. Sur un des piliers : les flammes brûlent le ventre d’une dame assise , sur le pilier opposé, un long doigt recouvert d’un ongle descend entre les jambes d’un homme lui aussi assis. Le sculpteur a peut-être voulu s’en tenir à la lettre de l’exclamation du vieux et non au sens qu’on pouvait lui donner

La construction du pont en pierre qui suivit donna tort au vieux et pleinement raison à leurs contradicteurs.

56 AUTOUR DU MARCHÉ

PESCARIA : Le marché au poisson

A la fin de la République, on comptait environ un millier de pécheurs. Cent cinquante seulement avaient le droit de vendre le poisson à la pescaria. Ce droit était réservé à ceux qui avaient au moins 50 ans et avaient exercé leur métier pendant au moins 20 ans. On souhaitait ainsi les récompenser et leur éviter les dangers de la pêche.

NARANZERIA : Le marché aux agrumes

A rapprocher du mot arancia, orange. Plusieurs magasins où l'on trouvait des fruits et particulièrement des agrumes étaient concentrés autour du palais des Camerlenghi.

57 BANCO GIRO (SOTTOPORTEGO DEL)

La technique du "giro" (de girare, tourner) permettait de transférer des sommes d'argent d'un compte à un autre. Pour la première fois à Venise, il n'y avait donc plus manipulations d'espèces.

Les sommes étaient inscrites sur le registre du banquier qui constituait un document officiel

Par ailleurs , jusque là, lorsque la banque faillait faillite, celui qui y avait déposé son argent perdait tout. En 1585 pour la première fois, le gouvernement assurait que même dans ce cas, le déposant pourrait à tout moment récupérer ses fonds

58 GOBBO DEL RIALTO

Face à l'église San Giacomo del Rialto, une petite statue sculptée en 1541 par Pietro da Salo, représente un homme soutenant une volée de marches. On l'appelle le gobbo, bossu quoiqu'il soit juste plié sous le poids du fardeau où l'on voit le symbole des charge pesant sur le citoyen. C'est aussi là que la lecture était donnée des décrets de la République

59 CALLE DELLA SICURTA

Le mot sicurtà est à traduire ici plutôt par assurance que par sécurité. En effet, les vénitiens avaient inventé l'assurance. Les marchands étaient indemnisés par leurs collègues dans le cas où les marchandises expédiées par mer venaient à périr ou à être attaquées

60 PONTE DELLE SPADE

Tout près d'ici, une auberge à l'enseigne des "épées".

En 1745, un soir de carnaval, Casanova remarque une jolie femme en compagnie de son mari. Il demande à ses compagnons d'ordonner au mari de les suivre au nom du conseil des Dix. Ce qui lui permet d'entraîner la dame dans l'auberge la plus proche, l'auberge des Deux Epées et de rester la nuit entière avec elle.

Ces faits sont rapportés par Casanova lui même dans ses Mémoires.

61 RIO TERRA DELLA SCOAZZERA

Il débouche sur le campo Santa Margherita.

Scoa est le mot vénitien pour scopa, balai. Scoazze signifie spazzature, ordures. La scoazzera était un espace clos, rectangulaire, sans toit où l'on recueillait les ordures. La saleté y était telle qu'elle devint insupportable et qu'une ordonnance du magistrat des eaux les supprimùa en 1771, punissant sévèrement ceux qui déposeraient leurs ordures dans les rues.

62 CORTE DELLA COMARE

Mot vénitien pour levatrice, sage-femme

Dans cette cour, habitait une sage-femme. Le magistrat de la Santé avait fixé certaines règles pour les femmes voulant exercer ce métier : elles devaient savoir lire, avoir assisté pendant deux ans une sage-femme déjà en exercice et assimilé le contenu d'un livre intitulé "Della Comare"

63 MELONI (CALLE DEI)

Vers 1405, le marché était devenu trop petit. Les marchands de fruit se rendirent chez le doge qui promit d'agrandir la zone du marché. Pour le remercier, ils demandèrent au doge quels fruits il préférait pour les lui offrir. celui-ci répondit : les melons. Depuis ce jour, en août, fut instituée la grande fête des melons, au cours de laquelle on remettait solennellement les fruits au doge.

Les marchands se réunissaient sur le campo S. Maria Formosa, et se rendaient en groupe au palis ducal à travers les merceries et la place Saint-Marc.

Arrivée à la porta della Carta, la procession montait à la salle des banquets où elle déposait les melons et où étaient préparés les dons, qu'en échange le doge donnait généreusement à la corporation. C'étaient des jambons, des fromages, de la langue salée, du vin…Alors on présentait les chefs de la corporation au doge, les deux enfants lui offraient les bouquets de fleurs et l'intervenant lisait son discours auquel le prince répondait avec bienveillance

64 STUA (Calle della)

Stua est le mot du dialecte vénitien pour stufa
Dans les dictionnaires d'aujourd'hui : stufa, c'est la poële ; stufare, c'est cuire à l'étouffée, étuver.

Autrefois, stufa signifait : local thermal, les bains.

La calle della Stua est donc à Venise l'équivalent d'une ancienne rue de Paris qui s'appelait la rue des Etuves.

La stua était un lieu où il y avait toujours prêtes pour le bain, des bassines d'eau chaudes. On y soignait les pieds, on y faisait des massages….De tels lieux devinrent lieux de prostitution.

65 PONTE DELLE TETTE

Les tette : les seins, les tétons. Les prostituées s'exhibaient sur le pont ou assises sur les rebords des fenêtres voisines, les seins découverts. Elles y étaient encouragées par la République qui tenait pour un vice bien pire la sodomie. En 1480, Francesco Cercato fut pendu entre les deux colonnes de la piazzetta, pour homosexualité. En 1585 le prêtre Francesco Fabrizio fut décapité et brûlé pour la même raison. L'homosexualité était tellement répandu à Venise qu'en 1511, les prostituées firent parvenir au patriarche Contarini une requête pour qu'il prenne des mesures contre le "vice indicible". La vraie raison de leur crise économique était plus vraisemblablement leur grand nombre -11594 recensées- qui entranait naturellement une baisse de leur gain.

66 PALAIS VENDRAMIN

A noter que Wagner passa les derniers mois de sa vie et mourut en 1883 dans le palais de la famille Vendramin. La ville de Venise acquit le palais en 1946 et y ouvrit le casino d'hiver, celui qui ,en été, prend ses quartiers au Lido.

67 RIVA DI BIASIO

Il est curieux de noter que Venise a donné sa rue à un tueur d'enfants. Au début du 16ème siècle, un diabolique charcutier avait sa boutique sur ce quai. Il lui arrivait de remplacer la viande de porc par de la chair humaine, plus spécialement chair d'enfants. Il fut condamné et décapité entre les deux colonnes de la piazzetta.

68 SQUARTAI (CALLE DEI)

Squartare, c'est écarteler et aussi dépecer, mettre en quartiers

On exposait, après leur exécution, le corps des malfaiteurs taillé en morceaux

69 CAMPO DELLE MOSCHE

On fabriquait ici les mouches, mosche, faux grains de beauté faits de petits morceaux de taffetas noir que les femmes s'appliquaient sur les joues pour faire ressortir la blancheur de leur peau. Très codifié, l'emplacement où elles déposaient la mouche avait un sens précis.

70 CHIOVERE (CAMPIELLO DELLE)

Nom que l'on donnait au terrain sur lequel on faisait sécher les tissus de laine après la teinture. Probablement parce que l'on les suspendait à des clous (chiodi ou chiovi) fixés sur des planches. C'était aussi un espace utilisé pour les jeux de ballon et même pour les courses de taureaux.

A Venise, les courses de taureaux étaient nombreuses et cruelles. Les plus célèbres avait lieu sur le campo San Polo. On lâchait des chiens dressés à se pendre sans lâcher prise aux oreilles des pauvres taureaux. On peut voir à la pinacothèque Querini plusieurs tableaux célèbres représentent de telles courses.

71 CALLEGHERI (CALLE DEI)

Callegher est le mot vénitien pour calzolaio, cordonnier. En 1773, on comptait 340 boutiques employant 1162 personnes. Chaque boutique devait offrir chaque année une paire de sabots à la dogaresse.

72 SAN POLO (Campo)

C'est là que fut tué Lorenzino de Médicis, le personnage que Musset reprend dans son Lorenzaccio.

Lorenzino de Médicis avait tué par traîtrise son cousin Alexandre de Médicis, premier duc de Florence. Craignant la vengeance du duc Cosimo, successeur d'Alexandre, il avait trouvé refuge à Venise, où, il s'adonnait aux plaisirs, courtisant les belles et assistant aux divertissements donnés dans la ville.

Cosimo expédia deux tueurs à gages, lesquels, le 26 février 1548, s'étant postés sur le campo San Polo où habitait Lorenzino le tuèrent d'un coup et blessèrent avec un poignard empoisonné son oncle Alessandro Soderini qui mourut rapidement. La mère de Lorenzino arriva à temps pour recueillir le dernier soupir de son fils, l'assassinat duquel fut dissimulé par le gouvernement par déférence à Cosimo et à l'empereur Charles V, protecteur de Cosimo, tandis que les deux tueurs aidés par l'ambassadeur d'Espagne purent fuir le territoire vénitien

73 DONNA ONESTA (Calle della)

Trois hypothèses sont à retenir quand à l'origine de ce nom.

1-Deux gentilshommes passant par là discutaient sur la fidélité des femmes. "Mais où donc peut-on encore trouver une femme honnête?". L'un d'eux observant la tête d'une femme sculptée sur le mur d'un immeuble voisin prétendit que c'était bien là la seule.

2-Cette dame honnête serait une des prostituées exerçant dans la quartier, honnête dans l'exercice de son métier.

3-Enfin l'on raconte que l'épouse d'un maître d'armes ayant boutique dans le quartier vit s'introduire chez elle un jeune soupirant, qui avait commandé à son mari une dague.

La trouvant seule, il en abusa. Ne pouvant survivre à la perte de son honneur, elle se tua avec la dague.

74 L'ARBRE DE LA FONDAMENTA DEL MALCANTON

On trouve sur la fondamenta del Malcanton "l'arbre de la Liberté". Son tronc de 20cm de diamètre prend naissance au rez-de-chaussée de l'intérieur d'une maison abandonnée et puis sort vers l'extérieur à travers les grilles en fer d'une fenêtre. En été, un feuillage épais s'étale alors sur presque 3 mètres.

Pour le trouver, le meilleur moyen est d'arriver par le sottoportego de Ca' Surian. On le voit surgir à l'angle du rio del Malcanton, le "mauvais coin". En effet canton est le mot du dialecte vénitien pour angolo, angle. L'angle du canal était autrefois réputé pour être dangereux parce que soit trop étroit et il arrivait que les barques chavirent, soit mal fréquenté on pouvait y craindre de tomber dans un guet-apens.

L'arbre a été surnommé "arbre de la Liberté" car tel le prisonnier, il tente de s'enfuir à travers les grilles de sa prison.

75 LA SCUOLA DEI VARORETI

Varoteri vient du mot latin varius, tacheté, moucheté. Comme le manteau gris porté pendant un temps par les magistrats et dignitaires, manteau appelé pour cette raison : varium.

On appelait, en vénitien, varoteri les fabricants de manteaux.

L'édifice de la Scuola dei Varoteri surgit, solitaire, au milieu du campo Santa Margherita, comme un objet théâtral au centre d'une scène. Il donne plus l'impression d'une sculpture que d'une masse architecturale.

Les Scuole, confraternités d'origine médiévale, étaient des associations laïques qui regroupaient un corps de métier. De nombreuses étaient propriétaires d'un édifice appelé lui aussi Scuola qui était le siège social de l'organisation. D'autres plus modestes n'avaient qu'une maison ou un autel dans une église.

Organisation complexe, la Scuola avait à la fois une dimension, religieuse, politique, sociale, artistique. Du point de vue architectural, on trouvait généralement au rez-de-chaussée de la Scuola, une salle pour les cérémonies, et à l'étage supérieur, une salle capitulaire où se réunissaient les membres de la direction, communicant avec une autre salle dite Albergo, dans

laquelle on conservait les objets précieux , propriétés de la Scuola.

L'édifice fut construit en 1725, reproduisant fidèlement le modèle de l'ancien siège situé au nord de Venise. En 1810, il devint dépôt de charbon, puis abrita un groupe fasciste, d'où son surnom de "maison du bourreau", enfin siège d'un parti politique. Aujourd'hui, il abrite des bureaux communaux.

76 CA FOSCARI

Ca, pour casa, maison. C'est le palais de la famille Foscari, que le doge Franscesco Foscari acheta en 1452. Son fils unique accusé de trahison et de meurtre fut condamné deux fois à l'exil. D'où une situation cornélienne pour le vieux doge, qui finalement doit donner sa démission quelques mois avant de mourir en 1457.

L'histoire est à l'origine d'une tragédie de Byron, que Verdi reprendra pour écrire son opéra : I due Foscari.

Aujourd'hui, c'est le siège de l'Université.

77 PONTE DELLA FURATOLA

Furatola désignait une boutique où l'on vendait, plus particulièrement aux petites gens des poissons frits, des soupes…. Avec interdiction de faire concurrence au luganegher, le charcutier. Plusieurs hypothèses sur l'origine du mot furatola. Selon l'une d'elles, le mot viendrait de "foro", trou parce que les boutiques étaient de simples pièces en longueur, des "trous" au rez de chaussée des maisons.

Selon une autre, il serait à rapprocher de furare ou rubare, voler parce qu'on y commettait quelques larcins.

Un restaurant célèbre de Venise est à cette enseigne : La Furatola

78 PONTE DEI PUGNI

Rappelons qu'autrefois les ponts, de Venise n'avaient pas de parapet. Les bandes rivales venaient ici s'affronter à coups de poings, se faisant tomber dans le canal. Le spectacle attirait de nombreux badauds.

Ces combats furent à l'origine très violents, causant même plusieurs morts. Les bandes rivales s'y livrant bataille étaient celle des castellani, ceux qui venaient du quartier de Castello et celle des nicoletti, ceux qui venaient de San Nicolo. En 1574, on organisa un combat pour distraire le roi de France Henri III de passage à Venise. Il trouva le combat si violent qu'il demanda qu'à l'avenir, cessent de tels combats.

79 SOTTOPORTEGO DEL CASINO DEI NOBILI

C'est dans la paroisse de San Barnaba que vivaient bons nombres de nobles désargentés, appelés pour cette raison : barnabotti. Ils étaient même logés à titre gracieux.

Ils fréquentaient ici un cercle de jeux, jeux de hasard, jeux d'argent. De nombreuses lois tentèrent de réglementer voir d'interdire de tels casini.

80 TURCHETTE (CALLE DELLE)

Encore un lieu lié à la prostitution.

Les turchette étaient les prisonnières musulmanes, que les vénitiens tenaient enfermées derrière les barreaux ici. Si elles se convertissaient au christianisme, sincèrement ou non, elles pouvaient être libérées. La petite histoire locale raconte que de jeunes prostituées encore vierges, capturées lors des batailles navales contre les Ottomans, tapinaient accoutrées en homme dans le rue des Turques.

81 OCCHIALERA (CALLE)

Depuis que Salvino degli Armati, gentilhomme florentin, inventa au 14ème siècle les lunettes, leur usage peu à peu se developpa dans toute l'Europe, y compris à Venise.

Pour ne pas remonter plus loin, disons qu'au 18ème siècle, on trouvait sur la Fondamenta dell'Osmarin le laboratoire de Biagio Burlin et qu'on possède le livre publié en 1758 sous le titre : "Recueil des machines et instruments d'optique qui se fabriquent à Venise chez Biagio Burlin ,opticien sur la Fondamenta dell'Osmarin à l'enseigne d'Archimède"

Semitecolo succéda à Burlin et l'on se souvient de ce bon vieux, qui, avec son allure et sa cravate blanche écoutait patiemment les suppliques de tous ceux qui avaient recours à lui. Ses lunettes, en dépit des nouveaux progrès, étaient toujours recherchées, spécialement par les gens de mer.

82 PONTE DEL SOCCORSO

En traversant le ponte del Soccorso, sur les Zattere, on découvre le canal de la Giudecca. Les vénitiens comparent l'endroit à la "rive gauche" de Paris. Les enfants jouent sur les quais, les plus grands après une promenade s'assoient à la terrasse d'un café, terrasse en bois suspendue au dessus de l'eau.

Le pont tire son nom de la présence ici d'un couvent de religieuses qui venaient au secours (soccorso) des jeunes filles "égarées", des prostituées. Il avait été ouvert grâce aux fonds apportés par Veronica Franco, la plus célèbre courtisane du 16ème siècle, celle dont l'histoire est racontée dans le film "La Courtisane" sorti en 1999. Sa beauté, son esprit lui valurent de nombreux amants parmi lesquels le roi de France Henri III, de passage à Venise.

83 MARANGON (CALLE DEL)

C'est le mot du dialecte vénitien pour carpentiere, charpentier. La marangona est aussi le nom donné à l'une des cloches du campanile parce que lorsqu'elle sonnait le matin, elle donnait le signal du réveil aux charpentiers qui travaillaient à l'Arsenal, appelés les marangoni.

84 HOPITAL DEGLI INCURABILI

L'hôpital des Incurables fut fondé en 1522. Il accueillait ceux qui étaient atteints de la syphilis, appelé mal français.

C'était l'une des institutions de charité mises en place par le gouvernement vénitien et financées par les familles nobles. Plus tard, il accueillit aussi les enfants abandonnés t devint un conservatoire où les jeunes filles apprenaient la musique, tout comme à la Pietà ou aux hospices des Deriliti et des Mendicanti.

85 MAGASINS DU SEL

Edifiés au 14ème siècle, on entreposait dans ces bâtiments le sel, seule matière première produite à Venise.

L'industrie était florissante et la gabelle constituait l'un des plus forts revenus de la République. Aujourd'hui, on entrepose dans les lieux les bateaux entre deux entrainements aux régates.

86 CAMPO DELLA SALUTE

L’église Santa Maria della Salute (santé) fut construite pour remercier la Vierge d’avoir finalement mit fin à une épidémie de peste qui, en 1631, tua plus de 82000 personnes, soit la moitié de population.

Chaque année, le 21 novembre, on fête solennellement l'événement. A cette occasion, se forme un pont de bateaux entre le Salute et l'autre rive du Grand Canal afin de permettre aux fidèles d'accéder facilement à la basilique.

C'est l'équivalent de la fête du Rédempteur, le 3ème dimanche de juillet, où de la même façon, on construit un pont de barques entre les Zattere et l'île de la Giudecca, pour rejoindre l'église du Rédempteur construite elle aussi pour remercier le Seigneur d'avoir mis fin à la peste de 1576.

Entre 954 et 1793, il y eut a total 69 épidémies de peste.

Voici comment George Sand décrit la fête du Rédempteur dans une de ses lettres :

"Nous nous retrouvâmes à la fête ou sagra du Rédempteur. Chaque paroisse de Venise célèbre magnifiquement sa fête patronale à l’envi l’une de l’autre ; toute la ville se porte aux dévotions et aux réjouissances qui ont lieu à cette occasion. L’île de la Giudecca, dans laquelle est située l’île du rédempteur, étant une des plus riches paroisses, offre une des plus belles fêtes. On décore le portail d’une immense guirlande de fleurs et de fruits ; un pont de bateaux est construit sur le canal de la Giudecca, qui est presque un bras de mer en cet endroit ; tout le quai se couvre de boutiques de pâtissiers, de tentes pour le café et de ces cuisines de bivouac appelés frittole, où les marmitons s’agitent comme de grotesques démons, au milieu de la flamme et des tourbillons de fumée d’une graisse bouillante, dont l’âcreté doit prendre à la gorge ceux qui passent en mer à trois lieues de la côte. Les Vénitiens ont dans le caractère un immense fonds de joie ; leur péché capital est la gourmandise, mais une gourmandise babillarde et vive, qui n’a rien de commun avec la pesante digestion des Anglais et des Allemands ; les vins de muscats de l’Istrie à six sous la bouteille procurent une ivresse expansive et facétieuse.

café et de ces cuisines de bivouac appelés frittole, où les marmitons s’agitent comme de grotesques démons, au milieu de la flamme et des tourbillons de fumée d’une graisse bouillante, dont l’âcreté doit prendre à la gorge ceux qui passent en mer à trois lieues de la côte.Les Vénitiens ont dans le caractère un immense fonds de joie ; leur péché capital est la gourmandise, mais une gourmandise babillarde et vive, qui n’a rien de commun avec la pesante digestion des Anglais et des Allemands ; les vins de muscats de l’Istrie à six sous la bouteille procurent une ivresse expansive et facétieuse comme de grotesques démons, au milieu de la flamme et des tourbillons de fumée d’une graisse bouillante, dont l’âcreté doit prendre à la gorge ceux qui passent en mer à trois lieues de la côte.

Toutes ces boutiques de comestibles sont ornées de feuillages, de banderoles, de ballons en papier de couleur qui servent de lanternes ; toutes les barques en sont ornées, et celles des riches sont décorées avec un goût remarquable. Ces lanternes de papier prennent toutes les formes ; ici ce sont des glands qui tombent en festons lumineux autour d’un baldaquin d’étoffes bariolées ; là ce sont des vases d’albâtre de forme antique, rangés autour d’un dais de mousseline blanche dont les rideaux transparents enveloppent leurs convives ; car on soupe dans ces barques, et l’on voit, à travers la gaze, briller l’argenterie et les bougies mêlées aux fleurs et aux cristaux. Quelques jeunes gens habillés en femmes entrouvrent les courtines et débitent des impertinences aux passants. A la proue s’élève une grande lanterne qui a la figure d’un trépied, d’un dragon ou d’un vase étrusque, dans laquelle un gondolier, bizarrement vêtu, jette à chaque instant une poudre qui jaillit en flammes rouges et en étincelles bleues."

87 DOGANA DEL MARE

(La douane de mer)

A la douane de terre, située sur la Riva del Vin, près du Rialto, les marchandises arrivant par le terre devaient payer une taxe. Tandis que c'est ici que passaient toutes les marchandises arrivant par le mer.

88 FIUBERRA (CALLE)

Les anciens vénitiens, et surtout les dames, se serraient les flancs avec des ceintures munies de boucles où elles accrochaient leurs bourses et d'autres ornements.

Francesco Sansovino y fait référence dans ses "Choses de la noblesse" disant que les femmes se serrent la taille avec des ceintures très riches, aux quelles elles attachent bourses ou étuis avec des couteaux ou cuillères de grande valeur, à la manière des germaniques. En l'an 1334, on décida que la valeur des ceintures ne devait pas dépasser 6 ducats, celle des gaines, des couteaux, des boucles…5 ducats. Une autre loi de 1476 interdisait que la boucle et sa ceinture dépassent 15 ducats.

Les ceinturiers tenaient boutique près des Mercerie à S. Giuliano, non loin des fabricants de boucles (Fiuberi), qui donnèrent leur nom à la calle Fiubera, appelée pendant un temps Rue des Arméniens parce que toute proche de l'hospice et de l'église des Arméniens.